Elle m'a écrit il y a quelques jours pour m' "interpeller sur une forme de discrimination courante, insidieuse car elle est tacite et communément admise en France" : c'est celle touchant les femmes portant le voile islamique à la recherche d'un emploi et/ou d'une formation.

Avec son accord et sous couvert d'anonymat, je vous livre donc le témoignage de N. une jeune femme promise à une belle carrière et qui a eu à subir ce type de discrimination, avant de trouver la solution. Attention, il n'est pas question ici de débattre sur la laïcité, l'Islam, la "soumission de la femme voilée". Juste de mettre en lumière une situation difficile, encore trop passée sous silence.

Voici son histoire :

"J'ai une maîtrise de langues étrangères orientées vers le commerce international. J'ai travaillé en tant que formatrice en anglais pour des organismes de formation, puis à Paris comme assistante commerciale export dans le secteur de la parfumerie/cosmétique. J'aimais ce que je faisais, j'avais étudié pour, et ma carrière n'était qu'à ses débuts mais j'étouffais intérieurement... Après y avoir longuement réfléchi et lassée d'ôter et de remettre mon voile pour avoir une vie professionnelle, j'ai donc décidé à 26 ans, de l'assumer en toutes circonstances. J'étais heureuse et fière d'avoir eu le courage de franchir le pas. Mais je ne réalisais pas qu'une longue descente aux enfers m'attendait.

J'avais en effet démissionné de mon poste précédent et je décidais de chercher du travail en assumant le port du voile. J'avais aussi très envie de suivre un master pour évoluer vers la communication à l'international. Les entretiens d'embauches, les demandes de formations, ont tous été aussi douloureux les uns que les autres. On me priait de prendre congé comme une misérable voleuse sans me donner la chance de m'exprimer. On m'a clairement soutenu que c'était mon voile qui dérangeait. On me remerciait d'être venue avec, et d'avoir été honnête car d'autres se présentaient sans le voile aux entretiens puis portaient un fichu par la suite. Ce qui - me disait-on - n'était pas correct vis-à-vis du recruteur...

Que j'ai pleuré, que j'ai été abattue à la sortie de ces entretiens... J'étais tiraillée entre mon envie de m'épanouir professionnellement et mon envie de vivre pleinement ma foi. Cela a duré deux ans jusqu'à ce que je sombre dans la déprime.

Mais aujourd'hui, tout va mieux. Je suis l'heureuse maman d'une petite fille pleine de vie. La maternité m'a redonnée un nouveau souffle. Je suis à nouveau pleine d'idées, de projets, que je compte bien concrétiser sans me laisser abattre par le regard extérieur qui ne voit en moi que l'image de la femme soumise.

Jamais je n'ai supporté que l'on m'impose quoi que ce soit. Mon voile, je l'ai décidé comme je décide de travailler ou d'arrêter. Telle est la vraie liberté ! Alors quand les partisans d'une laïcité aveugle et du féminisme se battent pour libérer et faire sortir de chez elles les femmes oppressées sous d'autres tropiques et bien j'aimerais leur dire qu'en France, des injustices et des discriminations se font quotidiennement dans le silence et l'impunité la plus absolue. Les femmes voilées sont reléguées au rang de femme au foyer et lorsqu'elles décident de ne pas s'effacer de la société - car l'enjeu est là - on ne veut plus nous voir dans les espaces publiques.

Pour contourner cette réalité et puisque l'entreprise ne veut pas de personnes comme moi, je compte m'installer comme traductrice free-lance. Finalement, je me dis que c'est un mal pour un bien, comme cela, je vais pouvoir reprendre une activité professionnelle en composant avec... ma nouvelle maternité. Mais je pense à toutes celles qui ne peuvent pas ou ne veulent pas s'installer en indépendante, et qui souffrent en silence de cette discrimination..."